On me demande, surtout quand ca ne va pas très bien, comment on vit ici...
Le pays est complexe et paradoxal, il n'est pas aisé d'en parler.
Cet après-midi, j'ai reçu cet article, et je vous le livre, émaillé ici ou là de détails plus personnels.
Il exprime parfaitement bien la réalité du Liban dans lequel je vis depuis toutes ces années...
A l'aube de l'année 2009, on ne peut pas ne pas penser aux bilans, aux remises en question, aux conclusions sur l'année qui vient de s'écouler.
Restera ? Partira ? Il y a bien eu un moment durant 2008 où chacun de nous s'est posé la question d'un éventuel départ.
Quitter le Liban.
Définitivement ou momentanément.
Ras-le-bol de ce pays, de ses politiques, de ses conflits, de ses élections sans cesse reportées puis finalement truquées, de ses invasions, de ses coups foireux et de ses pots-de-vin, de ses faiblesses et de cette foutue inaptitude à faire du bien à son peuple…
Comme c'est facile.
Comme c'est facile de le détester ce petit pays, de le haïr, de le mépriser, de s'en plaindre et de le comparer à un ailleurs plus serein, de le critiquer et de vouloir le boycotter. Plus facile que de le défendre.
Et pourtant… C'est un fait, le Liban ne laisse personne indifférent.
Et, là, les Libanais sont d'accord. Les Libanais de souche et les Libanais d'adoption. Comme moi.
Ce pays des extrêmes nous donne des sentiments contradictoires : j'aime, je n'aime pas, j'attaque, je défends…
Sauf que là, même en ce temps de crise, en ce moment de remise en question et autres causes, une chose est sûre : il fait bon vivre au Liban.
Quoi qu'on en dise et quoi qu'on en pense.
Parce que voilà, malgré la multitude de destinations offertes aux Libanais, c'est ici qu'ils reviennent passer les fêtes. Pas seulement pour y être en famille ou retrouver les amis. Mais parce que c'est là qu'il faut être.
C'est comme ça. Une fois qu'on vient au Liban… c'est foutu. On y reviendra , quoi qu'il arrive.
Ce magnétisme libanais en a fait succomber plus d'un, Libanais, Français, Italien ou Américain.
Et même si un jour on a décidé de laisser derrière nous, et pour de bon, les plaines de la Békaa, la montagne du Chouf ou une Beyrouth envahie, on est resté Libanais à jamais.
Alors oui, c'est facile de le descendre, ce satané pays de 10 452 km2 et de le railler, mais putain, qu'est-ce qu'il est attachant ce pays.
Lui, ses habitants, leurs défauts, leurs failles, leur manque de civisme. Ce bordel ambiant, ces starlettes à deux balles, ces bonnes femmes qui pleurent, les bras chargés de fleurs, à la porte d'arrivée de l'AIB (Aéroport International de Beyrouth). Cette commerçante qui offre un Chicklets à votre fils parce qu'il est mignon, le type du parking qui vous dit de payer la prochaine fois, l'infirmière qui vous apporte des pommes et des avocats de son verger de la montagne, cette vendeuse qui vous met un sac de côté en attendant les soldes, cet inconnu assis à côté de vous dans l'avion, qui vous enlève votre plateau-repas parce que vous vous êtes endormi et qui remet sur vos jambes la couverture qui a glissé par terre, cet ado qui prend un verre avec ses copains à une terrasse et qui vous ramasse sans même y penser la tétine que votre bébé a laissé tomber...
Elles sont belles ces Libanaises qui ornent nos panneaux publicitaires, ces Libanaises qui sortent seules le soir, cette voisine qui vous envoie un plat de «snayniyé» pour célébrer la première dent de sa fille, cette amie qui attend votre fils en bas de l'immeuble, lorsqu'il rentre de l'école en autocar, ces tantes qui vous tricotent des écharpes et des bonnets, cette femme qui vous sourit tous les matins quand vous partez.
Elles sont belles ces Libanaises que vous croisez dans les restaurants, ces amies qui vous mentent pour vous épater et qui vous soutiennent, quelles que soient les difficultés que vous traversez. Elles sont belles ces femmes avec qui vous bavardez chez le coiffeur, ces Libanaises ultra maquillées qui s'occupent de vous et vous rendent belles à votre tour.
Il est beau ce Liban où vos collègues deviennent vos amis, où vos amis deviennent vos frères, où vos frères viennent à chaque fête, à chaque anniversaire... Ce Liban où l'on ne trouve plus une table dans un restaurant pendant les fêtes, où les SMS sonnent sans cesse pour vous inviter à aller réveillonner dans une « salsa night spéciale karaoké », où les gens qui, malgré tout ce que l'on pense sur les raisons qui les animent, viennent vous présenter leurs condoléances et vous disent «mabrouk» quand un enfant paraît.
Il est attendrissant ce Liban où n'importe qui vous « add » sur FaceBook, ce minuscule pays que Catherine Deneuve a « voulu voir » parce que sa sœur Françoise (Dorléac) aimait y venir danser.
Elle avait tout compris Françoise. C'est ici et nulle part ailleurs qu'il faut venir danser.
A partir d'un article de Médéa Azouri HABIB